Des conseils avant le grand départ

Les Amis du chemin de Saint-Jacques informent les nouveaux pèlerins chaque mois à Fribourg

La motivation religieuse n’est pas forcément primordiale, mais une forme de spiritualité est souvent présente chez les pèlerins.

Compostelle Plus de trois millions de pèlerins se sont rendus à Saint-Jacques-de-Compostelle ces deux dernières décennies. Entre ceux qui ont usé leurs semelles sur le chemin de l’Espagne et ceux qui pensent partir, cela fait du monde. Pourtant, les «rencontres jacquaires» de la section fribourgeoise des Amis du chemin de Saint-Jacques n’ont plus la cote depuis quelques mois. Il y a deux ans encore, ces réunions mensuelles appelées «stamms» à la mode alémanique, réunissaient jusqu’à plusieurs dizaines de participants, dont près d’une moitié de femmes. «Le pèlerinage a subi un ralentissement en 2020 à cause de la pandémie. Entre la fermeture des bistrots et des changements de dates, la fréquentation de notre stamm s’est effondrée. Mais j’aimerais que cela redevienne un rituel», explique Emmanuel Chappuis, responsable de ces réunions qui se tiennent chaque dernier lundi du mois.

«L’essentiel»

Le 29 novembre dernier, Régis Arnaud y a fait la rencontre de trois pèlerins expérimentés. Ce Français, vivant à Fribourg depuis une vingtaine d’années, pense partir pour Compostelle le 31 mars prochain. «Je prévois de marcher seul une centaine de jours, dit-il. Je veux me désintoxiquer du travail, opérer une coupure nette, qui marquera une transition vers une nouvelle vie.» Il pourrait certes aller se royaumer quelques mois au soleil, loin d’ici. «J’ai beaucoup voyagé dans ma vie, mais ma conscience écologique a changé la donne, confie-t-il. En plus, j’ai toujours aimé les défis sportifs.» Les marcheurs chevronnés présents ce soir-là ont pu répondre à toutes ses questions, entre des conseils pour choisir un bon sac, l’évaluation des itinéraires, les meilleurs guides et des astuces en tous genres.

Les marcheurs de Compostelle forment une tribu à part. Elle se distingue par des mots étranges, comme «Ultreïa», une vieille locution dérivée du latin qui veut dire «en avant» et qui est devenue le cri de ralliement des pèlerins. Ils portent souvent une coquille sur leur sac à dos. Ils sont incollables sur les (nombreux) itinéraires de Suisse, de France et d’Espagne, et leurs infinies variantes. Chacune de leurs étapes passées est certifiée par un tampon apposé sur un carnet spécial appelé «crédential».

Les us et coutumes de ces marcheurs-là, qui forment une sorte de fraternité, passent forcément par l’évocation de souvenirs triviaux ou grandioses. «Ce chemin me fait du bien», témoigne Jean-Pascal Verdon, un retraité de la police qui marche depuis sept ans, à raison de deux semaines par année, avec un ami. «On oublie tout sur le chemin, c’est comme une longue méditation. Tout se réduit à l’essentiel: marcher, manger, dormir. Quand on revient, on relativise beaucoup de choses.» Durant sa carrière de flic, il a parfois côtoyé toute la misère du monde. «A côté de ça, on se dit qu’un petit bobo n’est rien. Avec Compostelle, je le vis en beaucoup plus fort.»

La foi en demain

Pourquoi partir vers Saint-Jacques? La motivation religieuse n’est pas forcément primordiale. «On rencontre des gens d’autres religions et même des athées sur le chemin», assure Jean-Pascal Verdon. Mais une forme de spiritualité est souvent présente: «Comme pour beaucoup de pèlerins, le chemin fut avant tout intérieur, l’occasion de se replonger dans ses racines pour mieux apprivoiser un futur», écrivait Anahée Bregnard dans le journal de l’association suisse, en novembre 2020. «Sur mon chemin, un pèlerin qui avait le double de mon âge m’a dit un jour: «Désormais, j’ai foi en demain.» Cette phrase a eu l’effet d’un déclic pour ma part, et elle m’a accompagnée de nombreux jours avant de pouvoir l’interpréter et la mettre en pratique. Avoir foi en demain, n’est-ce pas vivre au jour le jour en faisant confiance au lendemain, sans avoir le contrôle sur tout? Que me faut-il de plus que la santé, un toit et de la nourriture pour vivre sereinement? Pour le reste, tout ira bien et ne laisse pas tes démons d’hier obscurcir ton chemin.»

Le chemin bleu

Régis Arnaud s’inquiète de ses problèmes de genou. Les marcheurs chevronnés, qui le tutoient déjà, lui prodiguent des conseils. Pour les bobos physiques courants, pas de souci: «La plupart des pharmacies situées sur le chemin sont incollables sur les besoins des pèlerins. D’ailleurs, certaines mettent en vitrine les pansements pour pieds, le talc ou le diclofénac», sourit Olivier Cajeux. Il a fait plusieurs fois le chemin, une nouvelle fois en 2021 par la voie d’Arles, puis par le «camino francés» (chemin français) en Espagne avant de longer la côte nord depuis Oviedo. Désormais il se chargera de l’entretien d’une partie des chemins en Suisse. «C’est l’une des activités importantes de l’association. Nous, nous marchons sur les chemins de Saint-Jacques dans le canton de Fribourg pour nous entraîner, mais les marcheurs qui viennent d’Allemagne ou d’Autriche l’empruntent, ils ont besoin de balisages, de conseils et d’étapes.»

Visibles en ville de Fribourg, ainsi qu’à Romont ou à Payerne (deux variantes du chemin qui se rejoignent à Moudon), les petits symboles bleus en forme de coquillage stylisé indiquent aux pèlerins qu’ils sont sur la bonne route. Ultreïa!

Prochain stamm: lundi 31 janvier, 19 h, à la rue des Chanoines 13, Fribourg. viajacobi4.net