Bourvil et Yves Savary, c’est dingue!

Yves Savary en Bourvil: 
où l’admirateur se confond avec le ­modèle... 


Le mot de la fin Pascal bertschy

C’est dingue, non? Dingue est un mot que j’emploie de plus en plus souvent. Ça doit être parce que je vis dans un état d’effarement quasi permanent. Le monde qui devient dingue, avec tous ces dingues partout, ça me sidère. Et dans les bonnes choses, pareil.

Ce qui est dingue, ce sont par exemple tous ces gens dans les campagnes romandes qui font du théâtre. Ici ou là, il faut voir ça: ils font sur scène des étincelles, voire des merveilles. A l’image de l’équipe du Café Bourvil, vue l’autre soir dans la salle de la Croix-Blanche au Mouret.

Comment un spectacle aussi charmant peut-il exister? C’est dingue. Dans Café Bourvil, le Gruérien Yves Savary ressuscite son dieu avec la complicité de Catherine Ruedin, sa lumineuse partenaire, et ses musiciens – Claude-Alain Bard, Steve Fragnière et Jérôme Oberson. Hop, départ pour un joyeux hommage à Bourvil à travers chansons et quelques saynètes!

Bourvil, c’est Savary. Yves prend son timbre de voix, ses ses moues désolées, ses sourires béats et, ce faisant, il se met à lui ressembler physiquement. Le plus fou, c’est qu’il n’imite pas cet ange. Non, il le devient.Comme si Bourvil descendait de son ciel pour s’emparer du corps de Savary, en faire sa glaise et se couler en lui. Croyez-moi ou non, c’est assez dingue à voir.

Yves Savary, d’Avry-devant-Pont, est un ancien charpentier. Il travaille aujourd’hui comme inspecteur du feu à l’ECAB. Bourvil? Il est tombé dedans quand il était petit. Ces moments en famille devant la télé, pour regarder La grande vadrouille ou Le cerveau, relevaient de la magie. Ils l’ont marqué à vie. Et Bourvil ne l’a plus lâché.

Il l’a peut-être même sauvé. Vers 25 ans, Savary broyait du noir. Bourvil, qu’il jouait dans des spectacles, est tombé à pic. Il lui a remis les idées en place, lui a redonné le goût des couleurs et de la véritable gaieté.

Aujourd’hui, avec Café Bourvil, le Gruérien et sa troupe sont en plein boum. Ils passeront samedi dans Les coups de cœur d’Alain Morisod, puis se produiront en Normandie, sur les terres de l’acteur, avant de revenir par ici (le 29 avril à Bulle).

L’autre soir, après le spectacle, une grand-maman est venue remercier Savary. Merci pour quoi, Madame? Pour avoir fait si bien Bourvil. Vous savez, a ajouté la dame, il nous fallait travailler dur à l’époque. Mais nous avions Bourvil, Fernandel, de Funès et ces trois ont adouci nos vies. Le monde ne leur a pas dit assez merci pour ça...

Savary a trouvé ça dingue. De mon côté, je lui ai demandé si Bourvil sortait de son corps sitôt la représentation finie. Yves n’en savait rien. Mais il m’a raconté que les jours suivants à l’ECAB, quand il répond au téléphone, des gens sont stupéfiés: «Pardon, M’sieu, on croirait que c’est Bourvil au bout du fil!»

C’est pas pour dire, mais des trucs dingues, il s’en passe...