Une quête de traces et de sens

Le Musée gruérien consacre une exposition rétrospective à l’œuvre du photographe Jacques Pugin

Bulle Tracehumance, la nouvelle exposition du Musée gruérien à Bulle, met en lumière le travail de Jacques Pugin, photographe plasticien à la renommée internationale, né à Riaz en 1954 et établi à Paris depuis 2013. «Il s’agit de la première rétrospective de l’œuvre de Jacques Pugin. C’est une grande exposition pour un grand artiste dont le travail mondialement connu reste méconnu dans sa région d’origine», résume la directrice du musée Isabelle Raboud-Schüle. Mise sur pied avec la collaboration de la galerie de photographie contemporaine Esther Woerdehoff à Paris et de la commissaire d’exposition Audrey Hoareau, l’exposition retrace en cinq chapitres thématiques les différentes étapes d’une œuvre qui couvre plus de quarante ans de création plastique.

Une Désalpe 2.0

Depuis ses débuts dans les années 1970, Jacques Pugin pratique une photographie expérimentale où les recherches plastiques se mêlent à une réflexion sur le temps, l’espace et la relation complexe qu’entretient l’homme à la nature. L’artiste rejette l’idée de vérité photographique. Sa démarche se caractérise par ses interventions dans les images lors de la prise de vue ou a posteriori via différentes techniques. «Des images qui, au-delà d’un premier abord esthétique, transmettent un message, un témoignage, parfois politique ou idéologique mais toujours implicite», décrit la préface de la monographie consacrée à son œuvre et publiée à l’occasion de l’exposition.

Sa dernière série, Désalpe 2.0, s’inscrit pleinement dans cette approche originale et engagée. Réalisée dans le canton de Fribourg en 2019, cette enquête photographique inédite constitue le point de départ de l’exposition. Quinze tirages de grand format mettent en scène des troupeaux défilant dans des paysages numériques tirés de Google Earth. Dans ces panoramas d’un nouveau genre, deux mondes se télescopent: des scènes paysannes se superposent à des décors irréels et pixélisés dans lesquels vaches et armaillis se détachent au-dessus de routes déformées, de bâtiments écrasés et de voitures aplaties.

«La désalpe est une fête mais ce sont aussi des troupeaux qui rentrent dans la plaine et retrouvent l’urbain après avoir passé l’été dans des pâturages extraordinaires à l’abri du béton», souligne Jacques Pugin. Une réflexion qui fait aussi écho à celle du musée sur la place de l’agriculture et des traditions dans une région en plein développement.

Inventorier et témoigner

L’exposition, qui a pour ambition de dégager les lignes de force et le caractère innovant du travail de Jacques Pugin, met en évidence ses œuvres phares en les documentant et en les reliant aux autres travaux du photographe. Le travail de ce pionnier du lightpainting est marqué par la quête obsessionnelle des signes et des traces qu’elles soient créées par l’homme ou par la nature. Une dimension que l’on retrouve dans ses premiers travaux comme dans ses œuvres les plus connues.

Dans la série Les cavaliers du diable, le photographe compose ainsi un mémorial visuel de la guerre civile au Darfour dont les traces se lisent à travers une constellation lumineuse créée à partir des images satellitaires des villages détruits. Pendant plus de quinze ans, Jacques Pugin s’est également rendu aux quatre coins de la planète pour composer Sacred Site, un inventaire photographique de sites culturels et naturels réalisés sur les cinq continents. L’exposition montre aussi à voir le travail d’un photographe sensible à la cause écologique. Sujet central de ses recherches, la montagne, dont il dresse des portraits, s’y révèle à la fois fragile et spectaculaire.

Jusqu’au 31 janvier au Musée gruérien, à Bulle.