Une musique qui touche «à l’essentiel»

Samedi un hommage sera rendu à Caroline Charrière en concert. Avec une création posthume à la clef

Le catalogue de Caroline Charrière compte 153 œuvres, écrites entre 1982 et 2018. 


Conservatoire  En été 2018, sentant que «ses forces ne suffiraient pas à faire face à la maladie», Caroline Charrière a accepté l’idée d’un concert «qui permettrait de partager un moment entièrement consacré à sa musique». Elle a elle-même conçu le programme, pensé aux interprètes, explique Irène Minder-Jeanneret, musicologue et amie de la compositrice. Nous y sommes aujourd’hui, un an après son décès (survenu le 1er octobre 2018). Samedi, des musiciennes et musiciens qui ont entretenu une complicité musicale et humaine privilégiée avec Caroline Charrière lui rendront hommage à l’aula du Conservatoire de Fribourg.

Ce concert est organisé par l’Association Caroline Charrière, constituée le 6 juin 2019. On y entendra le Psaume 27 avec la harpiste Christine Fleischmann et le Chœur de Jade nouvellement dirigé par Céline Latour-Monnier; Envol, pièce pour flûte seule avec Isabelle Schnöller; le cycle de 12 mélodies Du livre pour toi sur des poèmes de Marguerite Burnat-Provins, par la mezzo Sophie Marilley et le pianiste Eric Cerantola; la pièce Ophelia pour quatuor à cordes; Tranquillo-Agitato pour saxophone et piano (avec Philippe Savoy).

Une volonté de partage

Au final, deux pièces légères pour voix féminines termineront le programme sur un éclat de rire, Le cow-boy et la double crème ainsi que Calamity Jane (cette dernière en création ­posthume). «Sous ses abords un peu austères, elle avait énormément d’humour», sourit Irène Minder-Jeanneret, présidente de la nouvelle association. Intriguée par la mélodie que Lucky Luke pouvait bien chanter face à l’horizon à la fin de ses albums, elle a imaginé un héros fatigué, «qu’elle a envoyé en Gruyère faire une cure de meringues». Et comme elle était féministe, elle a composé, «pour s’amuser», un pendant féminin à ce personnage de bande dessinée, révèle la musicologue. «Je crois que la grève des femmes lui aurait plu.»

Caroline Charrière a été l’une des premières femmes en Suisse à pouvoir vivre de la composition. Elle a fait le pas à l’âge de 40 ans, près de vingt ans après l’écriture de ses premières œuvres. «Elle doutait beaucoup, elle n’était pas prétentieuse. Mais elle a pris conscience de la valeur de son travail», pose Irène Minder-Jeanneret. Les commandes régulières des musiciens, la reconnaissance de ses pairs et des festivals (Lucerne, Morat) l’ont confirmée dans ce choix, qui n’avait rien d’évident, alors qu’aujourd’hui encore «il y a moins de 1% de compositeurs suisses à l’affiche des saisons symphoniques dans notre pays», compte la musicologue. La part des femmes est quasi nulle.

Contribuer à la diffusion des œuvres de Caroline Charrière fait donc partie des objectifs de l’association. «L’année qui suit le décès d’un compositeur, la Suisa constate une recrudescence d’interprétations de ses œuvres. Puis elles tombent dans l’oubli. Nous avons envie de faire mentir les statistiques.» Il s’agira aussi d’éditer les quelques œuvres qui ne le sont pas encore, de préparer des notices de référence pour chacune de ses 153 pièces, de cataloguer scientifiquement son fonds déposé à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg. Et surtout de publier sa biographie.

L’association sera portée par la qualité de la musique de Caroline Charrière. Comme l’analyse Irène Minder-Jeanneret: «Elle utilise très peu de notes, qui font beaucoup d’effet. Soucieuse de sobriété, elle supprime, pour arriver à l’essentiel. A l’opposé de ceux qui veulent impressionner, elle veut partager.» Durant son séjour à la Cité des arts de Paris, la compositrice a suivi les recherches de l’IRCAM et un atelier de chant consacré à Hildegard von Bingen: «Elle s’est intéressée à toutes sortes de musiques, aussi tibétaine. Il n’y avait pas pour elle de frontière. Il lui tenait à cœur de créer une musique de partage.»

Sa 20 h Granges-Paccot

Aula du Conservatoire.