Au-delà des tabous et des différences

Atteinte du syndrome de Williams, Floriane Grognuz témoigne aux côtés de sa mère Susanne

De nature très sociable, Floriane Grognuz pose volontiers aux côtés de sa mère Susanne.

Témoignage  Postée devant l’objectif aux côtés de sa mère Susanne, Floriane Grognuz joue le jeu. Elle se réjouit d’être «la star» du jour et questionne le photographe sans retenue. Si certains s’attarderont avec insistance sur sa large bouche, ce trait atypique est surtout un magnifique outil pour assouvir une curiosité et une sociabilité débordantes. Agée de 26 ans, la jeune femme est atteinte du syndrome de Williams. Cette maladie génétique rare résulte d’une microdélétion du chromosome 7, plus particulièrement du gène de l’élastine. Facilement reconnaissables de par leur «visage d’elfe», les Williams présentent divers symptômes tels que des anomalies cardiovasculaires, des retards du développement ou encore une hyperacousie. Faisant fi des tabous et des différences, Floriane et Susanne Grognuz souhaitent faire connaître ce syndrome qui touche une naissance sur 20 000.

L’association a 20 ans

En avril 1999, Manuela Montaldo lance un appel dans les pages de La Liberté. Mère d’un petit ­Jonas atteint du syndrome de Williams, elle espère rencontrer d’autres familles concernées par la maladie. «J’ai ouvert le journal, et je me suis dit «Oh, c’est magnifique!» Floriane venait d’avoir 6 ans et c’était difficile. Le généticien nous a donné le diagnostic alors qu’elle avait 9 mois déjà, mais nous étions livrés à nous-mêmes», se souvient Susanne Klemm Grognuz. Avec son mari François, ils rejoignent sans hésiter les rangs de l’association Syndrome de Williams Suisse et en deviennent des membres fondateurs. Tandis que lui est médecin et y a apporté ses compétences durant une dizaine d’années, elle en assure actuellement la vice-présidence.

L’association permet aux membres de partager leur vécu, mais aussi de faire le lien avec les médecins, les scientifiques et la société en général. «Nous sommes 73 familles qui se rencontrent environ 4 fois par an. On essaie d’alterner entre des activités récréatives et informatives», explique Susanne. Assise à ses côtés sur la terrasse de la maison familiale, Floriane complète: «On fait des pique-niques, des camps de musique ou de cirque, on a aussi rencontré une sexologue spécialisée pour les personnes en situation de handicap.» Pour marquer son 20e anniversaire, l’association a lancé cette année un financement participatif avec pour objectif un séjour rêvé à Europa-Park en mai 2021. «Le plus difficile pour une structure comme la nôtre est de trouver des volontaires prêts à s’investir. Les jeunes parents sont très vite membres mais manquent de temps. S’occuper d’un enfant Williams demande beaucoup de force et d’énergie», relève Susanne avant de se tourner avec douceur vers sa fille: «Mais ce n’est pas contre toi, tu es un soleil.»

Car, au-delà des obstacles de la maladie, les Williams se démarquent par leur grand cœur et leur hypersociabilité. «Contrairement à vous, je n’ai pas en moi le rejet de l’étranger. Quand j’étais petite, j’allais toujours vers les inconnus, je partais chez les voisins et je me faisais des copains partout. Certains traits de mon handicap sont autant une qualité qu’un danger. Mes parents devaient partir à ma recherche et ont dû m’apprendre à ne pas aller vers n’importe qui», raconte Floriane qui, au fil des ans, a développé une impressionnante connaissance d’elle-même et de sa différence. «Mais ça n’a pas toujours été comme ça. A l’adolescence, j’ai réellement pris conscience de mon handicap et du regard des autres. Comme beaucoup d’autres Williams, je suis passée par une période de déprime. J’ai dû faire le deuil de certaines choses que je ne pourrai jamais faire comme tout le monde», confie-t-elle.

Une certaine autonomie

Floriane s’accroche alors à différentes petites victoires qui lui permettent de regagner confiance en elle et en la vie. De 2012 à 2014, elle suit une école d’autonomie tout en travaillant à l’atelier textile de la FARA (Fondation ateliers résidences adultes). Elle y apprend tous les aspects de la vie quotidienne, de la cuisine en passant par le paiement des factures ou l’entretien de l’appartement. Ne souhaitant dépendre de personne, elle s’installe ensuite en appartement indépendant avec une amie, aidée par une accompagnatrice de Pro Infirmis. Une «expérience magnifique» de deux ans, qui s‘est cependant terminée avec le départ de sa colocataire. Toute seule, une vie autonome n’était plus possible.

«Depuis la fin de l’année passée, j’ai trouvé une place au foyer Le Comptoir en ville de Fribourg. Je travaille au nouvel atelier cuir de la FARA ainsi qu’à la boutique de la rue de Lausanne», explique-t-elle fièrement. Son travail, les activités proposées par le foyer et le sport handicap lui permettent de s’épanouir pleinement. Sans oublier les moments de partage en famille. La jeune femme est l’aînée d’une fratrie de 5 enfants dans laquelle elle a enfin trouvé sa place. «Diane et Morgane, mais surtout Olivier et Delphine qui sont proches en âge de Floriane ont dû abandonner le rêve d’une grande sœur qui leur montre la vie, c’était un grand chamboulement», relève la maman. «Mais il y a environ 5 ans, Delphine m’a fait le plus beau cadeau. Elle a écrit son travail de maturité sur le syndrome de Williams et sur notre relation. On a même fait une photo ensemble, c’était la première fois depuis des années. C’était un travail sur elle-même et un pas vers moi. Le fait qu’elle m’accepte comme je suis m’a aidée à m’accepter à mon tour», glisse Floriane, émue.

73

Le nombre de familles membres de l’association Syndrome de Williams Suisse