Notre-Dame de la Route en couleurs

A l’invitation du Centre d’intégration socioprofessionnelle, une artiste transfigure un bâtiment

Villars-sur-Glâne Ancien noviciat des Jésuites, repris par le Centre d’intégration socioprofessionnelle (CIS) en 2017, le domaine Notre-Dame de la Route était d’une blancheur immaculée jusqu’à présent. Les murs de ce bâtiment réparti en deux ailes de quatre étages, qui abrite aussi un restaurant et des salles de séminaires, ressemblaient un peu à un hôpital. Contraste absolu depuis quelques jours: ils explosent de couleurs. Le CIS a signé un partenariat de quatre ans avec l’artiste peintre Andrea Dora Wolfskämpf, qui y expose des reproductions géantes de ses tableaux ou de détails de ses tableaux.

Cette opération originale est née d’un coup de cœur, celui de Jörg Bizolier, directeur du domaine Notre-Dame de la route pour le compte du CIS: «Je cherchais depuis longtemps une solution pour donner un peu de vie à ces murs. Et puis, j’ai vu deux œuvres magnifiques d’Andrea Dora Wolfskämpf exposées à la galerie Forme + Confort en face de la cathédrale, explique-t-il. J’ai été frappé, ces toiles me parlaient.» L’hôtelier y va alors «au culot», comme il le dit en plaisantant: «Je ne connaissais pas l’artiste et comme je n’avais pas le budget pour acheter suffisamment d’œuvres pour tout le bâtiment, je lui ai proposé d’exposer des reproductions.»

Le défi des couloirs

L’artiste, établie à Montreux, a accepté de venir voir le domaine: «J’ai été immédiatement fascinée par ces lieux, par son architecture 1950 et par le décor de cette petite colline de verdure au milieu de Villars-sur-Glâne. J’ai relevé le défi», raconte la créatrice. Originaire d’Allemagne, celle-ci a longtemps travaillé dans le domaine du théâtre, en tant que scénographe et autrice de décors. La scène théâtrale influence son travail, qui se compose de toiles de grand format, colorées, mettant en scène des personnages, des paysages et des détails de la nature. «J’observe longuement le monde autour de moi, et je le restitue avec mes émotions. Une simple balade dans un jardin peut m’inspirer.»

Décorer un restaurant avec des reproductions d’œuvres reste assez facile, quoique Andrea Dora Wolfskämpf ait élaboré une composition savante qui modifie l’ambiance de la salle selon le point de vue. Trouver le moyen d’occuper de longs couloirs était un défi d’une autre ampleur: «J’ai fait énormément de croquis en étudiant les lieux, les portes, l’architecture. Finalement, nous avons travaillé avec des bandes en hauteur de 90 centimètres de largeur, pour séparer les toiles et en faire des éléments suivis, comme des codes-barres géants. Ces limites m’ont forcée à être créative. J’ai essayé de raconter une histoire différente dans chaque lieu.» Dans les 44 chambres, qui contenaient déjà des murs de couleur, l’artiste a choisi une œuvre qui s’y intégrait. Seules les salles de séminaires ont gardé une couleur immaculée.

Cette transfiguration picturale réjouit Jörg Bizolier: «Nous faisons entrer encore plus la nature dans les bâtiments. C’est une suite logique: il y avait au temps des Jésuites un grand jardin potager. Nous avons redémarré cette activité pendant la pandémie de Covid, et nous en avons fait un atelier pour les personnes en réinsertion. Luxe suprême, nous servons depuis deux saisons des légumes de notre jardin au restaurant.»

«Stimulant»

Ce partenariat «offre à nos bénéficiaires un lieu de travail stimulant et créatif», se réjouit Elisabeth Mauron-Hemmer, directrice du CIS. Cette aventure née d’un coup de cœur et d’une rencontre originale ne s’arrêtera vraisemblablement pas là: puisque l’art est entré à Notre-Dame de la Route, il pourrait rayonner aux alentours et devenir un élément central de ce qui est à la fois un lieu de formation et de réinsertion professionnelle et un havre de paix.

«Le parc de Notre-Dame de la route fait 30 000 m2, cela donne un potentiel extraordinaire. L’art peut également avoir un côté thérapeutique, et cela pourrait faire partie de l’offre de la maison. Nous avons également des artistes parmi nos bénéficiaires», ajoute la directrice du CIS. Il y a décidément «des rencontres qui inspirent et qui suscitent des changements», confie Elisabeth Mauron-Hemmer.