Parc solaire flottant primé en Valais

L’Office fédéral de l’énergie octroie un «Watt d’or» à un projet pionnier qui devrait faire des émules

L’installation s’étend sur 7700 mètres carrés, l’équivalent d’un terrain de football.

Transition énergétique A quelques kilomètres du col du Grand-Saint-Bernard se dresse le barrage du lac des Toules, à 1810 mètres d’altitude. A peine gelé en ce début janvier, ce petit plan d’eau ne semble rien avoir de particulier. Et pourtant, très vite, l’œil distingue une structure au bout du lac: un ensemble de panneaux solaires flottants y a été construit en automne 2019 par Romande Energie, en collaboration avec ABB. Ce projet novateur – c’est la première fois qu’une telle installation voit le jour en milieu alpin – reçoit aujourd’hui un Watt d’or, récompense symbolique décernée chaque année par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).

«Lorsque le lac est plein, les 2200 mètres carrés de panneaux solaires flottent», précise Guillaume Fuchs, ingénieur au sein de Romande Energie et chef du projet. «Mais lorsque le niveau est bas, la structure se pose sur le fond asséché du plan d’eau.» Balayé par le vent, un chemin pierreux et parsemé de congères conduit au lac depuis le sud.

Tout est parti d’un café

«L’idée a germé lors d’une pause-café en 2012, se souvient l’ingénieur. Nous voulions trouver le moyen de produire davantage d’énergie avec les lacs de barrage. La discussion s’est assez vite dirigée vers le solaire. Des panneaux photovoltaïques flottants existaient déjà, notamment en Asie, mais pas dans un milieu alpin. Ce fut le départ d’une formidable expérience humaine et technologique.»

Au milieu des congères, le parc solaire se dévoile: des flotteurs sont surplombés de structures en aluminium sur lesquelles ont été posés les panneaux photovoltaïques bifaciaux inclinés vers le sud. «Ils ont la particularité de produire du courant des deux côtés», explique Guillaume Fuchs. «En hiver, les panneaux sont souvent recouverts de neige. Or la partie orientée vers le lac bénéficie de la réverbération de la neige au sol, ce qui produit du courant et les panneaux photovoltaïques chauffent légèrement.» Conséquence: la neige et la glace fondent de l’autre côté, à la surface des panneaux, et la production d’électricité augmente.

Avantages de l’altitude

Quel est l’avantage d’un parc solaire à cette altitude? «Les températures basses rendent les cellules photovoltaïques plus efficaces, l’intensité des rayons ultraviolets est plus forte et la réverbération de la neige accroît le rendement en hiver», répond l’ingénieur. Résultat: par rapport à une installation équivalente en plaine, la production de courant est d’environ 50% plus élevée.

Développer un tel projet adapté aux conditions climatiques extrêmes n’a pas été facile. Les études ont débuté en 2013 et la mise en service a eu lieu en décembre 2019. «Nous avons notamment travaillé avec un bureau d’ingénieurs norvégien qui possède une longue expérience avec la neige et la glace. Puis le concept a été repris avec Poralu Marine qui est spécialisée en structures flottantes, poursuit Guillaume Fuchs. Il a également fallu tester aux abords du lac différents matériaux et techniques avant de construire l’infrastructure.»

Ce n’est qu’un début…

Sur le côté de l’installation – dont la surface totale atteint 7700 mètres carrés (l’équivalent d’un terrain de football) – se trouve un transformateur qui flotte lui aussi. Grâce à un câble moyenne tension, l’électricité est directement injectée dans le réseau. «A l’heure actuelle, la production équivaut à la consommation de 225 ménages par an, détaille le chef du projet. Nous souhaitons agrandir le parc et porter la puissance totale de 0,5 à 10-12 mégawatts.» Si tout va bien, les travaux pourraient avoir lieu en 2022 et 2023 déjà. «A terme, ce seront environ 6100 ménages qui seront alimentés», se réjouit Guillaume Fuchs.

Une perspective qui a de quoi enchanter l’OFEN. «C’est la première centrale solaire alpine flottante au monde, s’enthousiasme Fabien Luethi, porte-parole. Une grande partie de l’expertise suisse en matière d’ingénierie a contribué à son développement. Les coûts de l’installation peuvent être encore réduits grâce à l’expérience acquise. Cela rendra cette solution économiquement intéressante pour d’autres lacs également.»

L’installation des Toules pourrait en effet bien faire tache d’huile. Différentes entreprises suisses sont intéressées. «Il y a une dizaine de sites potentiels qui réunissent les critères: plan d’eau non protégé, accessibilité par camion et lac à fond plat», énumère Guillaume Fuchs. «Nous sommes également en contact avec des électriciens en France, en Italie et en Autriche.» Le chef de projet a donc de quoi être optimiste, d’autant plus que les développements technologiques permettront d’accroître la production. Les panneaux solaires gagnent en effet 3% en puissance chaque année. «Lorsqu’il s’agira de les remplacer dans 25 ans, ils permettront de produire davantage encore.»