Toute l’âme de Caroline Charrière

Le Chœur de Jade interprète

Critique

«Nous allons sentir à quel point l’être de Caroline Charrière nous est proche. C’est beau de vivre ce moment ensemble.» C’est ainsi que Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale et amie de Caroline Charrière, conclut l’hommage sincère qu’elle a rendu à la compositrice fribourgeoise, décédée il y a un an. Ses mots ont trouvé place au début d’un concert ému, donné samedi au Conservatoire de Fribourg par des interprètes amis. Et des amis de Caroline Charrière, il y en avait plus d’un dans le public. Presque tous ont croisé le chemin de la musicienne, et en sont restés impressionnés.

«Sa musique est à l’image de sa personne: déchirée», confie une auditrice à l’entracte. On pense à cette réflexion lorsqu’on écoute le Quatuor Ophélia, exécuté par Anne-Frédérique Léchaire, Gabriela Jungo, Céline Portat et Justine Pelnena Chollet. Une pièce dont les interprètes rendent finement chaque intention, partageant des ressentis comme l’innocence, la blessure, la mort ou la paix. On reconnaît là une compositrice qui explore les sonorités des cordes, y compris les plus rares. Cette recherche marque aussi Envol, pièce pour cette flûte traversière qui a été l’instrument de prédilection de Caroline Charrière. Tout au long de l’interprétation léchée d’Isabelle Schnöller, on s’étonne d’harmoniques qui viennent d’on ne sait où, de sons comme des souffles, de pianissimos fragiles. Quant au saxophone alto de Philippe Savoy, il se fait tantôt chantant, tantôt claquant dans Tranquillo – Agitato.

Formation chorale féminine créée par Caroline Charrière, le Chœur de Jade, emmené par Céline Latour-Monnier, a salué la mémoire de sa directrice historique. Sa version du Psaume 27 respire une foi confiante et joyeuse, portée par la harpe obsédante de Christine Fleischmann. Ce moment de religion fait contraste avec l’hilarant Cow-boy et la double crème, qui ajoute des couplets à la chanson de Lucky Luke, Poor Lonesome Cowboy s’il en est. Chantée en création posthume, Calamity Jane est une pièce chorale sobre aux couleurs américaines populaires, dont le texte relate la vie de ce personnage féminin historique.

A l’encre de la passion

Enfin, la mémorable reprise du Livre pour toi par la mezzo-soprano Sophie Marilley et le pianiste Eric Cerantola a été le moment le plus intense de cet hommage. C’est manifestement émue aux larmes, la main et le menton tremblants, que Sophie Marilley pose les dernières notes de ce cycle de mélodies, écrit à l’encre de la passion sur des poèmes de Marguerite Burnat-Provins. Bouleversé, silencieux, le public hésite à se lever pour sortir en pause. Assurément, l’âme de Caroline Charrière est passée par là, et personne n’a voulu manquer cette rencontre.

Daniel Fattore