«L’Etat doit revoir ses priorités»

Les prestations d’Espacefemmes sont en péril. Sans un financement pérenne, l’association sera dissoute

L’assocation espacefemmes œuvre depuis plus de 22 ans au service des femmes du canton de Fribourg.

Fribourg «Sans l’assurance d’un financement pérenne de ses prestations, Espacefemmes ne sera plus en mesure de maintenir sa palette d’activités.» L’association se verrait alors dissoute en juillet. C’est l’annonce qui a été faite hier soir aux membres de l’association, réunis en assemblée extraordinaire par visioconférence. Un centre de compétences au service des femmes du canton de Fribourg, actif depuis 22 ans et reconnu, risque ainsi de disparaître, relève Pascale Michel, directrice.

Le budget 2021 prévoit en effet un déficit de 75 000 francs pour des charges de 840 000 fr. Ce, malgré un plan de redressement établi avec le canton à la fin 2018 qui «a bien fonctionné, aussi grâce à un grand élan de solidarité». Combiné à une réduction drastique des charges, il a permis un résultat positif de 1500 francs en 2019. Mais trois facteurs expliquent le déficit 2021 après une année 2020 déjà en rouge, note la directrice: «La recherche de fonds n’a pas donné les résultats escomptés, les donateurs étant eux-mêmes touchés par la crise. La pandémie a induit une baisse de fréquentation donc des contributions. D’où une baisse du chiffre d’affaires de 45%. Enfin, cela ne tient pas au niveau structurel.»

Recettes insuffisantes

En effet, la Confédération a stoppé son soutien en 2018, mais le canton ne l’a pas repris. «Sans les subventions pour le conseil juridique et en vie professionnelle, nous avons dû stopper en 2018 et en 2020 ces activités pourtant demandées. Nous avons dû couper dans les services, rogner sur les dépenses. Nous avons fait notre part! Le Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur, mais le problème de fond, préexistant, est que nous n’avons pas les moyens de financer nos prestations!»

Or, les prestations proposées par l’association et subventionnées par l’Etat, telles que les cours de langue ou ateliers santé et prévention, se sont fortement développées ces dernières années. D’où le besoin d’une «vraie réponse politique» pour planifier leur développement. Espacefemmes a rencontré les autorités cantonales fin octobre. Mais si l’échange a été «constructif», rien de fondamental n’a bougé: «Soit on estime que nos prestations sont nécessaires et on les finance. Soit nous arrêtons. Nous voulons une réelle prise en compte, usés d’être toujours à la limite.» Et de relever qu’il ne s’agit pas de sauver Espacefemmes mais de se demander si Fribourg veut continuer à offrir des prestations de qualité: «C’est une question de collaboration de l’Etat avec le tissu associatif, le problème touche toutes les structures gérant la précarité, elles-mêmes ainsi précarisées», pointe-t-elle.

Espacefemmes est en l’occurrence financée à hauteur de 330 000 francs par le canton (Direction de la santé et des affaires sociales, Bureau d’intégration des migrants et prévention du racisme, etc.), par la Loterie romande à hauteur de 220 000 francs et pour 30 000 francs par la commune. Le reste par les factures et cotisations pour un total de 760 000 francs. Or, les charges 2021 s’élèvent à près de 840 000 francs, avec pour coût central les salaires: «Le travail de qualité avec du personnel certifié a un coût. Nous ne pouvons limer davantage, nous n’avons déjà rien pour la formation continue ou l’infrastructure!»

Dans l’idéal, Espacefemmes, qui travaille avec trois directions, souhaiterait obtenir un mandat de prestation global pour un ensemble d’offres. Mais, consciente de la complexité de la requête, l’association espère au moins voir certaines prestations davantage subventionnées. «Il nous manquerait à terme 50 000 francs dès 2022, une fois l’effet Covid-19 estompé, pour assurer un fonctionnement correct.» Un montant restant à affiner, le budget ayant été élaboré considérant que seul le premier semestre serait impacté par la pandémie et que la fréquentation remonterait.

«Une structure unique»

«Nous sommes conscients que la période est difficile pour tous, assure la directrice, mais il s’agit de se poser une question: est-ce une priorité de soutenir les femmes?» Et de souligner l’ironie que représenterait la disparition d’une structure unique en son genre, «seule sur Fribourg travaillant à renforcer la capacité d’agir et l’autonomie de toutes femmes, dans un milieu non mixte», devant l’élan suscité par le mouvement #MeToo et les revendications pour l’égalité hommes/femmes. Sans compter le coronavirus, qui péjore encore la situation des femmes.