Economie L C’est un centre logistique qui tourne à plein régime. A Givisiez, le vaste entrepôt de Michelin connaît un pic d’activités, qui coïncide avec l’arrivée du printemps et le changement des pneus sur les véhicules. «Nous avons deux grandes saisons, comme dans le chocolat», glisse Marc Angéloz, responsable qualité, sécurité et infrastructure d’unsite peu connu du grand public, qui s’emballe entre février et mi-mai, ainsi qu’entre juil-let et octobre.

Alors que lescommandes des garages et des grossistesaffluent, les chariots élévateurs se livrent à un bal endiablé. Chaque jour,40 à 130 tonnes de pneus, soit jusqu’à 10 000 unités, quittent les entrepôts fribourgeois pour être livrés dans toute la Suisse.

Alors qu’une partie dela marchandise est expédiée par train depuis Berne, entre six et huit camions partent quotidiennement en tournée. «En haute saison, comme actuellement, nous tournons à deux équipes. La première commence le travail à 5 h, la seconde à 7 ou 8 h. Il faut être très flexible dans le planning», expose Marc Angéloz, en précisant que le géant du pneu s’engage à tenir un délai de livraison de 24 h pour toute commande passée avant 16 h.

Jusqu’à 10 mètres de haut Le quotidien des 19 logisticiens qui travaillent à Givisiez est notamment rythmé par l’arrivée de six à huit camions, dont il s’agit de réceptionner la marchandise.

Les pneus – entre 900 et 1200 par semi- remorque – arrivent en provenance des usines que possède Michelin en France, Allemagne, Italie, Espagne, Roumanie, Hongrie, Pologne, Serbie ou Amérique du Nord. Ils sont ensuite entreposés sur des étagères, dont la hauteur peut atteindre 10,8 mètres.

Le site, qui dispose de deux halles de stockage de 4000 m 2 chacune, et d’un espace en sous-sol également de 4000 m 2 , permet de stocker jusqu’à 70 000 pneus de voiture de tourisme, 15 000 unités pour les motos et 8000 pour les poids lourds. Dans le domaine des automobiles, jusqu’à 5300 modèles différents sont entreposés.

«C’est une cathédrale du pneu», image Tanguy Léon- Pflieger, directeur de Michelin Suisse SA, qui apprécie surtout de voir des rangées dégarnies,signe que les ventes sont bonnes.

Le travail est physique. Les pneus de voitures pèsent entre 12 et 35 kg et la plupart sont déchargés et chargés dans les camions à la main. «Il y a des projets à l’échelle du groupe pour automatiser des opérations de logistique, mais ce n’est pas si évident. Sans parler des investissements, il faudrait élaborer des robots capables de manipuler et d’emboîter des pneus. L’humain a encore une longueur d’avance. En faisant notre métier, on devient champion du monde de Tetris», sourit Marc Angéloz.

Le défi du centre logistique fribourgeois, c’est aussi de s’adapter à l’évolution du secteur automobile. «Le marché suisse est très haut de gamme.

Depuis cinq à six ans, le diamètre des pneus augmente, avec le boom des véhicules électriques et le succès des SUV», remarque le responsable de l’infrastructure. Corollaire: les capacités des entrepôts tendent à diminuer et l’espace doit être réaménagé. «Dans certains secteurs, nos capacités de stockage ont été divisées par deux ou par quatre. Nous avons eu entreposé jusqu’à 110 000 pneus de voiture de tourisme. C’est inimaginable aujourd’hui», relève Marc Angéloz, qui travaille sur le site depuis 23 ans.

Les dentistes du pneu L’homme se souvient également que l’espace créé en sous-sol est dû à l’affaissement d’un terrain à la géologie délicate. Désormais, l’espace est dévolu au stockage des pneus des poids lourds, bus, engins de chantier et machines agricoles. Ces modèles, dont le diamètre peut atteindre 2 mètres et qui peuvent peser jusqu’à 1500 kg, sont déplacés à l’aide d’élévateurs munis de pinces.

La «cave» du centre logistique abrite également despneus usagés de poids lourds. Ils retrouveront une nouvelle jeunesse dans les usines que possède Michelin à Avallon, en Bourgogne, et à Homburg, dans la Sarre allemande. Leur profil sera recreusé ou leur bande de roulement sera remplacée (rechapage, dans le jargon), afin de prolonger leur durée de vie. «En 2023, nous avons collecté 30 000 pièces en Suisse pour les rechaper, de la marque Michelin ou d’autres fabricants. Un pneu rechapé permet d’obtenir des performances quasi identiques pour un prix 60 à 70% inférieur à un modèle neuf», estime Joël Nissille, magasinier, cariste et technicien conseil en rechapage.

Avec cette casquette, le spécialiste se rend avec deux autres collègues chez des clients pour examiner si des pneus usagés pourront bénéficier d’une cure de jouvence. «Ils effectuent des tests, avec des petits crochets. On les appelle les dentistes du pneu», confie Tanguy Léon-Pflieger, en indiquant que Michelin travaille notamment avec les Transports publics fribourgeois, dont le siège est situé à quelques pas du centre logistique du géant du pneu. L

«C’est une cathédrale du pneu» Tanguy Léon-Pflieger

70 000 Le nombre de pneus de voiture de tourisme qui peuvent être stockés à Givisiez

19 Les collaborateurs qui travaillent dans le centre logistique