Cyclisme L La grimpette de Lorette, 850 mètres de montée à 12,4% en moyenne, le tout sur des pavés? Ce qui ferait suer plus d’un cycliste, même chevronné, n’est qu’un galop d’entraînement pour Noa Gremaud. Venu d’Echarlens, à vélo bien sûr, après 1 h 30 de fitness, le Gruérien ira encore rouler une heure à son arrivée à Fribourg, puis une autre entre la course et la remise de son prix du vainqueur junior de cette première étape du Tour du canton.

Malgré cette charge d’entraînement, ce grand espoir du cyclisme suisse n’a rendu que 17 secondes au vainqueur, Nicolas Bard. Quatrième au classement scratch, il a même devancé Adrien Chenaux, détenteur du record de l’épreuve en 2’53. Pas mal, pour une première sur des pavés.

Une première? Pensez donc!

Le week-end dernier, c’est sur les blocs de pierre de Paris- Roubaix, version junior, que Noa Gremaud, 17 ans le mois prochain, a guidé sa monture.

Ce fidèle destrier qui cause d’ailleurs quelques soucis au jeune athlète, au moment de s’attabler dans un café au pied de Lorette.

«Je peux le prendre à l’intérieur?» questionne timidement le Fribourgeois, inquiet de laisser ce bijou de mécanique sans surveillance dans la rue.

«C’était fou, mythique» La boue de la reine des classiques a disparu, pas les étoiles dans les yeux du jeune champion.

«C’était fou, mythique. Tu sens le trou entre chaque pavé», s’enthousiasme Noa Gremaud, seul Romand sélectionné parmi les six Suisses alignés en France.

L’étudiant en 2 e année du Collège du Sud montre ses paumes, où quelques rares cloques témoignent encore de l’effort. «Ce n’est pas un monument pour rien. A la fin des 2100 mètres depavés du carrefour de l’Arbre, tu ne sens plus tes doigts», sourit le cycliste, avant d’avouer qu’il faut en être un pour connaître ce sentiment exaltant où la douleur décuple le plaisir.

Cette première sur l’Enfer du Nord – où la relève ne dispute «que» les 80 derniers kilomètres – en appelle d’autres. La crevaison qui a ralenti le Gruérien sur la reine des classiques ne change rien à une progression fulgurante.

«Tout a changé il y a deux ans, quand j’ai été pris en équipe nationale», raconte le coureur, qui fait partie des dix membres du cadre A en U19, alors qu’il n’a que 16 ans.

Noa Gremaud n’est pas seulement performant, il est aussi polyvalent: vainqueur sur route à Olten et Lancy en 2023, aligné sur le Tour de l’Ain avec Talent Romandie, le jeune espoir est aussi champion romand de VTT, en plus d’exceller sur piste.

Si la route reste sa priorité, les championnats du monde sur piste, au mois de septembre en Chine, sont préréservés dans son esprit et dans son agenda.

Comment concilie-t-on un début de carrière aussi prometteur avec des études gymnasiales? «J’ai la chance d’avoir beaucoup de facilité à l’école, admet l’étudiant, membre du programme Sport-Art-Formation(SAF) du canton de Fribourg. Au mois de mars par exemple, je n’ai suivi qu’une semaine de cours.

Tout le monde est heureusement très arrangeant.» Tout le clan vibre Une organisation scolaire, mais aussi familiale: c’est tout le clan Gremaud qui vibre dans l’aspiration de Noa, mais aussi de sa sœur Lisa, férue de VTT. «Nos parents ne sont pas du tout cyclistes, mais ils s’y sont mis, sourit l’aîné. Ils doivent parfois se séparer pour nous suivre les deux. Comme ils sont indépendants, dans la menuiserie et la coiffure, cela permet une certaine flexibilité.» Entre les courses et les entraînements, la famille Gremaud est davantage tessinoise que fribourgeoise en ce début de printemps.

«Mon papa a coutume de dire que c’est comme de petites vacances», explique l’espoir du cyclisme, très conscient des sacrifices, notamment financiers, consentis par son entourage. «Sans compter la caravane que l’on vient d’acheter, ni l’essence ou l’hébergement, une saison coûte 15 000 à 20 000 francs. Heureusement que des magasins de vélo font desgros efforts pour me soutenir au niveau du matériel…» Le prix d’un objectif, celui de signer un jour un contrat professionnel.

«C’est un rêve, mais d’un certain côté, je dispute déjà des courses internationales», reconnaît l’Echarlensois. Même dans sa version junior, le vélo compte des équipes, comme Décathlon- AG2R-La Mondiale, et des courses par nations. «Se retrouver avec le maillot rouge à croix blanche, ça fait quelque chose!» Ne comptez pas sur Noa Gremaud pour prendre la grosse tête, encore moins pour perdre le sens des réalités. En parallèle de sa prometteuse carrière, il compte bien filer vers la maturité, puis des études d’économie à Saint- Gall par exemple, à un aussi gros braquet que celui qui l’a vu avaler Lorette en 3 minutes 16.

«Il faut être cycliste pour connaître ce sentiment exaltant où la douleur décuple le plaisir» Noa Gremaud