Fée des bois et samouraï de sa vie
Proche aidante pendant des années et art-thérapeute, Véronique Mooser vient de sortir un recueil de poèmes
La vie en fuchsia Dire qu’il faisait moche ce jour-là est un affreux euphémisme. Un temps gris, pluvieux. Terriblement et indéniablement vilain. La légende veut que, souvent, la lumière pointe au bout du tunnel. Enfin, encore faut-il y croire. Fort, très fort. Bref. Mon stylo et moi sommes perdus. Paumés en ce premier lundi de décembre dans le district de la Glâne, quelque part vers Chapelle avec pour seule compagnie un GPS ayant succombé aux brumes locales. Et voilà soudain qu’elle apparaît au bout d’un chemin. Véronique Mooser, ses cheveux roses, son sourire et sa bonne humeur tout en couleur. Comme un petit miracle d’avant Noël…
Véronique, vous aimez le rose on dirait… Pourquoi?
Parce que je suis née comme ça, avec les cheveux fuchsia. Sauf qu’ils se sont trompés de peinture car j’ai reçu du brun à la naissance (elle sourit). Le fuchsia et les tons pourpres m’ont toujours habitée. J’ignore pour quelle raison. Il y a quelque chose de profond et de rigolo dans cette couleur qui est joyeuse, présente. Et puissante aussi.
Qu’est-ce qui vous a poussée à quitter les laboratoires de chimie où vous avez longtemps travaillé pour devenir art-thérapeute?
J’ai toujours hésité entre sauver le monde et faire des maths…
Quelle horreur!
(Elle éclate de rire). Et pourtant, j’adore ça! Mon métier de laborantine a beaucoup changé depuis mes débuts. Le côté apprenti sorcier a disparu. J’avais donc moins d’intérêt. En revanche, les gens m’intéressaient beaucoup. C’est pour cela que je me suis occupée de la formation des apprentis. J’ai aimé leur transmettre cette passion du métier et du savoir-faire. Et puis, il y a une quinzaine d’années, une amie m’a conseillé de devenir art-thérapeute. C’était une révélation. J’ai alors entrepris une formation durant trois ans et demi en parallèle à mon travail. J’étais épuisée lorsque je l’ai terminée car l’art-thérapie demande un grand travail sur soi.
En quoi consiste-t-il?
J’adore ce métier! C’est un accompagnement dans l’expression du cœur et de l’âme. Les participants ne viennent pas pour faire du joli, je ne leur laisse pas le temps pour ça. L’important, c’est ce qu’il se passe durant ces moments de création. Je propose un regard sur le travail effectué et non une interprétation.
Etes-vous de plus en plus sollicitée depuis vos débuts?
Oui, je le constate. Il y a un besoin de lâcher prise et d’être entendu. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on a vécu un burn-out. Vivre ce qu’il y a à vivre simplement, parfois, cela fait du bien.
Et vous, pour quelle raison avez-vous choisi cette voie? Etait-ce aussi pour régler des problèmes personnels?
Je ne pense pas qu’on devient thérapeute pour régler ses problèmes. Au contraire, on le devient quand on a réussi à les régler. Lorsqu’on se rend compte que c’est tellement génial d’y être parvenu qu’on veut le partager!
Votre art-thérapie, c’est la poésie?
Le recueil Pastels de Ciels (qui vient d’être publié, ndlr) a été mon art-thérapie lorsque j’ai perdu mon mari il y a sept ans. J’avais besoin de dire au monde ma souffrance en tant que proche aidante et veuve. J’ai alors réalisé que j’aimais beaucoup écrire. J’aime les phrases courtes, les mots justes, les cassures de rythme. Encore les cassures…
Vous avez été une proche aidante durant vingt-cinq ans. Comment avez-vous traversé toutes ces années?
C’était un vrai combat. Eric et moi, nous avions toujours été clairs sur le fait que je n’étais pas sa soignante mais sa femme. Que je voulais bien lui rendre service mais que je n’étais pas à son service. Parfois, je me sentais coupable… Les combats étaient donc internes mais aussi contre le regard des autres… Mais ce n’était pas un sacerdoce. J’étais tombée amoureuse de cet homme et, ma foi, il était malade. Quand vous êtes proche aidant, il faut être solide. Vous ne vous posez pas trop de questions, vous faites ce qu’il y a à faire, ça fait partie de votre vie.
Et ensuite… Vous avez dû faire face à plusieurs deuils?
Quand mon mari est mort, une partie de moi est morte avec lui. Et on plonge… Mais j’ai eu la chance, grâce à mon métier, de savoir et surtout d’accepter qu’il y a un processus, plusieurs étapes à passer. Je n’ai donc pas cherché à lutter. Il a aussi fallu réapprendre à vivre, à être aimé alors qu’on ne sert à rien. J’apprends encore. Et si j’apprécie la vie que j’ai aujourd’hui, c’est parce que j’ai aimé celle d’avant.
Vivez-vous une renaissance?
Oui et non. C’est une naissance à autre chose.
Cette expérience a-t-elle nourri votre expérience professionnelle?
Oui dans l’idée que le chemin, qu’on le veuille ou non, se fait seul. Afin que mon expérience puisse servir, j’ai aussi mis en place des ateliers La couleur d’après qui commenceront en février. Ils sont destinés à ceux qui ont été proches aidants et qui se retrouvent seuls face à leurs émotions, leur désarroi. Ces ateliers permettent de se retrouver, de réfléchir à la suite à donner à sa vie. Que faire de ses cassures? Ma proposition est de devenir les samouraïs de notre vie. Ils montraient leurs blessures car elles étaient signes de courage, de bravoure et de fierté. C’est autour de la réparation que j’envisage mon travail. De nos blessures, nous pouvons faire quelque chose de beau. Et tant pis si la société nous fait croire le contraire!
Véronique Mooser,Pastels de Ciels, Editions Soleil Blanc. Infos sur www.vmaoo.ch